On dit souvent, en souriant, que mourir c'est partir un peu : c'est , à mon humble avis, indéniablement partir beaucoup , sinon définitivement. Particulièrement lorsqu'on s'appelle Pierre Foglia et qu'on laisse derrière soi des chroniques qui ont marqué des générations de québécois. Des chroniques qui racontaient la vie de tous les jours , la vie ordinaire, sous un angle dont lui seul possédait l'art et la plume. Foglia nous faisait sourire parfois, nous attendrissait d'autres fois , nous froissait aussi quelquefois , levant le voile sur un coin de l'existence qui, n'eût été son grand talent, serait resté dans notre angle mort. D'une sensibilité mal camoufflée, il nous renvoyait à des réalités de tous les jours, parfois avec tendresse, parfois avec un humour aiguisé comme une lame de couteau... Foglia nous rappelait , à sa manière, l'essentiel des petites choses, des gens et de la réalité.
Il regardait ou plutôt, il observait les choses , le monde selon l'humeur qui l'habitait au moment où il écrivait. Mais jamais avec condescendance. Parfois avec un regard froid et accusateur qui cachait mal sa sensiblité de moumoune ou ses peurs volontairement refoulées.
Que ce soit sa tendresse pour ses chats, ses taquineries pour sa fianceé , sa description de la performance, de la faiblesse ou de la honte humaine, Foglia ne ménageait ni ses mots, ni son affection, ni ses critiques.
Je me souviens des échanges que nous avions le matin au travail, entre collègues, sur la dernière chronique que tout le monde avait religieusement lue. Parce que Foglia avait cet art incroyable d'entrer à l'aide de sa plume, dans la vie des gens . Le as tu lu Foglia ce matin était devenu un rituel....et, sur les visages , des sourires en coin, attendris ou surpris, c'était selon. Mais jamais d'indifférence. Car Foglia avait le don étrange de partager, comme entre amis, ses inquiétudes, ses constats, ses réflexions sur le monde . On aurait pu croire q'il était assis à notre table, en train de boire son café du matin. Il avait l'art invraisemblable de s'infilter tout en douceur dans votre quotidien.
Si on dit que partir c'est mourir un peu. Voir partir Foglia c'est aussi mourir un peu à une certaine sensiblité de l'écriture, de l'émotion bien décrite et bien transmise.
Il n'y aura pas d'après Foglia car il restera le seul en son genre. Il n'y aura pas d'après Foglia car il aura été le seul qui pouvait nous faire si affectueusement sourire et réfléchir. Il n'y aura pas d'après Foglia, mais il y aura le souvenir tenace d'un Foglia qui nous a beaucoup distrait, beaucoup apporté et qui a laissé chez les gens de ma génération le souvenir d'un lointain ami qui nous manquait beaucoup depuis son départ de la presse et qui nous manquera encore davantage avec son décès.
Il y a eu Foglia et il n'y aura pas d'après Foglia.
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