Eh oui l'automne se profile itou à l'horizon de Calgary. Demain peut -être... pas aujourd'hui en tout cas: un peu plus tard car aujourd'hui, la température était d'humeur plutôt estivale : température autour de 28, un soleil si éclatant avec cet air narquois qu'on lui connaît quand il se prend pour dieu et devin assis sur son char de feu. Attention, mesdames et messieurs: l'hiver est bien à vos portes, je le vois, moi, venir: il n'attend que le bon moment pour vous prendre par surprise!
C'est déjà fait lui ais-je répondu tout de go: avant-hier, la première neige est tombée sur les rocheuses. De ma fenêtre, j'ai vu au petit matin la blanche ondulation des montagnes me rappelant un peu, l'ondulation des dunes de sable du désert Tunésien.
La cime des rocheuses telle un appétissant glaçage sur un imposant gâteau de roches. Tout à coup les rocheuses m'ont semblé rayonnantes, bien au chaud , sous leur épais manteau blanc qui va les mettre pour plusieurs mois, à l'abri des regards. Mais s'offrant aussi sans vergogne aux skieurs, aux randonneurs qui voudront bien se risquer à l'escalader ou à percer ses intimes secrets. Défi perdu d'avance: drapées dans leur épais mystère blanc, les fières rocheuses se garderont, comme toujours, de trop dévoiler leur enivrante nudité.
Et pendant qu'elles continuent à jouer ainsi les grandes ingénues, la ville de Calgary suit son petit bonhomme de chemin en essayant de se convaincre que l'hiver, ben voyons donc, n'est pas encore pour demain.
Alors au bord de la rivière, les coureurs courent pour la bonne cause,
et les chiens se font encore une fois faire la lecon; vie de chien.. Fidèles et sages, sans rechigner, ils se plient aux désirs du maître obsédé par l'idée de leur apprendre enfin les bonnes manières ou à tout le moins, les règles minimales de bienséance et d'obéissance.
Et c'est ainsi que ca se passe certains soirs dans le parc, à Calgary. Mais certains autres soirs, surtout certaines autres nuits, comme dans tous les parcs, les jeunes y cherchent refuge , et en profitent s'adonner à des plaisirs défendus ou illicites. Et des vieux aussi heureusement. Plaisirs qui parfois laissent des traces.
qui n'ont rien de très écologiques.. Mais il faut bien que jeunesse (ou vieillesse) se passe.
Cherchant, en cette fin de belle journée, un endroit tranquille où philosopher sur le sens du bien commun, j'ai fait , oh heureux hasard, une nouvelle rencontre insolite. Solitaire entre les arbres,une chaise tristement abandonnée, m'attendait.
Elle m'a ouvert gentiment ses bras et je m'y suis blottie quelques minutes, le temps de faire un brin de philosophie urbaine et un peu de causette. Miss Chaise, nous ne sommes pas au cimetière ici . Ni`à la dump. Je veux bien passer quelques minutes avec toi, le temps que ton propriétaire revienne, mais sache que tu es un peu en porte-à-faux dans ce décor de bord de rivière. Tu me sembles avoir pourtant encore bien bonne mine et bien bonnes roulettes. Quelle ingrate personne a bien pu t'abandonner ainsi à toi-même après que tu lui aies rendu de bien fiers services. Ne pleure pas. Le jour de la revanche des chaises abandonnées est pour bientôt. C'est écrit dans les astres.
Et c'est sur ces mots encourageants que nous nous sommes séparées Miss Chaise en peine et moi.
Le jour en a profité, entretemps, pour, sur la pointe des pieds se coucher et quitter Calgary , les rocheuses enneigées et , bien sûr ,la pauvre chaise abandonnée au milieu des broussailles.
Puis la nuit est arrivée, traînant dans son sillon, le monde des ombres, refuge des esprits tourmentés. Et de ces amoureux qui cherchent à fuir la trop grande visibilité du jour.
Dans son coin étoilé, la lune,songeuse, soupirait comme soupirent les amoureux et les enfants (ou les chaises) qui rêveusement baillent à la lune. Calgary ne dort donc jamais complètement: trop occupée à jouer avec la lune, à jouer au jeu des ombres.